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Le Radar DS

Le dépôt de plusieurs propositions de loi annonce-t-il un bouleversement de la relation entre les constructeurs automobiles et leurs distributeurs ?

16 mars 2023

Le Radar DS

L’instauration d’un statut spécifique du distributeur automobile est un serpent de mer, qui, depuis des années, revient régulièrement au-devant de la scène, sans toutefois s’être jamais concrétisée jusqu’à présent.

Il est cependant possible que l’on soit désormais à l’orée d’une étape importante sur ce sujet.

4 propositions de loi ont en effet été déposées récemment à l’Assemblée Nationale, propositions qui, au-delà de la mise en place d’un statut spécifique du concessionnaire automobile, visent plus généralement à encadrer les relations entre les constructeurs automobiles et leurs distributeurs, et à les modifier en profondeur sur certains aspects.

La 1ère proposition a été déposée le 29 novembre 2002 par un député Les Républicains ; la 2nde a été déposée le 17 janvier 2023 par un député ‘Horizons’ ; enfin, le 14 février 2023, deux nouvelles propositions de loi ont été déposées, l’une par un autre député Les Républicains, l’autre par une députée ‘Renaissance’.

C’est cette dernière, visant à la « réforme des relations contractuelles entre les constructeurs et les distributeurs automobiles », qui retient le plus l’attention, puisque, émanant du parti ‘Renaissance’, elle parait la plus à même d’emporter le soutien du Gouvernement.

Ces propositions proposent la formulation de 3 articles qui, au sein du Livre III du Code de commerce, viendraient constituer un nouveau Titre V afférent spécifiquement à la distribution automobile.

Leur adoption ouvrirait la voie à 3 évolutions majeures de la relation entre le constructeur automobile et son distributeur :

1/ Le contrat de distribution devrait prévoir le droit pour le distributeur ou le réparateur agréé « de céder la totalité de ses droits et obligations à toute personne de son choix formulant une offre de bonne foi, répondant à des critères objectifs et raisonnables requis par le fournisseur ».

Certes, la proposition de loi prévoit aussi un « droit de préférence, assorti le cas échéant d’une faculté de substitution » au bénéfice du constructeur.

Mais il n’en demeure pas moins que, les « droits et obligations » dont il s’agit étant manifestement ceux tirés du contrat de distribution, cette disposition reviendrait à anéantir le principe de non-cessibilité du contrat de distribution, et à lui ôter tout caractère intuitu personae.

A vrai dire, elle constituerait une petite révolution dans la distribution automobile, et générerait assurément à elle seule une forte activité contentieuse, ne serait-ce que pour définir ce que serait « l’offre de bonne foi » formulée par le candidat acquéreur, ou bien encore le critère « raisonnable » que le constructeur appliquerait dans l’examen de l’offre.

2/ Le Code de commerce instaurerait ensuite, en cas de « résiliation à l’initiative du fournisseur » ou en cas de « cessation du contrat », et « en l’absence de faute grave du distributeur ou du réparateur » agréé, l’obligation pour le constructeur de régler « une indemnité compensatrice du préjudice subi par le distributeur ou le réparateur du fait de la cessation de la relation contractuelle ». La proposition de loi va jusqu’à citer les éléments composant cette indemnité :

« 1° la valeur des éléments incorporels liés à la clientèle attachée localement à la marque par le distributeur ; 2° la valeur non-amortie des investissements engagés par le distributeur ou le réparateur, à la demande ou avec l’accord du fournisseur notamment pour satisfaire à ses conditions d’agrément ; 3° la reprise des stocks ».

Après la cession quasi-libre du contrat de distribution, une telle disposition serait une deuxième atteinte majeure au pouvoir de composition, par le constructeur, de son réseau de distribution.

Par le versement obligatoire d’une indemnité hors faute grave du distributeur, le statut du concessionnaire automobile rejoindrait ainsi celui de l’agent commercial, mais aussi, dans un autre registre, celui du salarié, qui tous deux reçoivent une indemnité forfaitaire et bénéficient ainsi d’une forme de présomption de préjudice à l’occasion de la rupture de leur contrat.

En première analyse, cette indemnité garantie viendrait heurter le principe de liberté contractuelle et entraverait la prohibition des contrats perpétuels.

La règle de la réparation intégrale mais juste – « ni plus ni moins » – du préjudice, serait mise à mal.

Et d’innombrables questions se poseraient dans la mise en œuvre de ce droit à indemnité automatique : si l’on comprend que l’indemnité serait due en cas de dénonciation du contrat ou en cas de résiliation pour un motif hors faute grave, serait-elle due également à la cessation d’un contrat de distribution à durée déterminée ? comment serait définie la faute grave privative d’indemnité ? suffirait-il de se référer aux fautes caractérisées comme graves aux termes du contrat, ou le juge aurait-il une faculté d’appréciation indépendamment des stipulations contractuelles ? comment déterminer et « isoler » la « valeur des éléments incorporels liés à la clientèle attachée localement à la marque par le distributeur » ? etc.

3/ Enfin, le transfert des données clients et prospects, qui, selon le projet de texte, « constituent un élément essentiel du fonds de commerce des distributeurs », ne pourrait être imposé par le constructeur « sans cadre juridique préalable », et « sans prévoir une contrepartie économique pour les distributeurs ».

Selon certains commentaires de la presse professionnelle automobile, ces propositions de loi s’expliqueraient par le contexte d’une mise en place de contrats d’Agent, annoncée dans certains réseaux. Si l’idée est d’octroyer au concessionnaire automobile des prérogatives comparables à celle de l’agent commercial, on ne peut que s’étonner d’une démarche qui revient à assimiler des statuts juridiques fondamentalement différents.

Et comment justifier la mise en place d’un statut de distributeur spécifique à un secteur économique – l’automobile en l’occurrence -, sans que soient démontrés les bénéfices que le consommateur tirerait des dispositions nouvelles ?

Il est à noter que pour des raisons sans doute communes, d’autres pays ont engagé une démarche identique, tels que la Belgique, le Luxembourg, l’Autriche, et l’Italie où une loi a été promulguée en août 2022, instaurant notamment l’obligation pour le constructeur d’indemniser les investissements non-amortis du concessionnaire venant d’être résilié.

Il faudra bien entendu être attentif aux étapes à venir dans la possible adoption de ces propositions de loi.

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