Un avis unanime et historique
La Cour internationale de justice (CIJ) a adopté, ce mercredi 23 juillet, un avis consultatif par lequel elle reconnaît aux Etats l’obligation de prévenir les dommages significatifs à l’environnement.
Par une résolution rendue en mars 2023, l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) avait posé à la CIJ deux questions, à savoir :
- Quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux Etats en ce qui concerne la protection du système climatique et d’autres composantes de l’environnement ?
- Quelles sont, au regard de ces obligations, les conséquences juridiques pour les Etats qui, par leurs actions ou omissions, ont causé des dommages significatifs au système climatique et à d’autres composantes de l’environnement ?
Les quinze juges qui composent la CIJ ont reconnu à l’unanimité que les Etats parties aux diverses conventions mentionnées dans son avis ont une obligation d’assurer la protection du système climatique et d’autres parties de l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES), et qu’un Etat se rendrait coupable d’un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité, dans le cas où il violerait ces obligations.
Le ministre du climat de l’Etat du Vanuatu, Ralph Regenvanu – l’Etat à l’origine de la saisine de la CIJ – estime que cet avis constitue « un jalon historique pour l’action climatique ». Il s’agit du cinquième avis unanime de la Cour en quatre-vingt ans selon l’ONU.
Le droit applicable aux Etats en matière de changement climatique
La Cour définit le droit applicable en matière de changement climatique.
Celui-ci se compose :
- En premier lieu, des trois traités relatifs aux changements climatiques, à savoir la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention de Kyoto et l’Accord de Paris ;
- Ensuite, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) ;
- Des traités relatifs à la couche d’ozone, la convention sur la biodiversité, la convention sur la désertification et d’autres traités sur l’environnement (tels que la Convention de Montréal).
Elle définit en outre plusieurs principes cardinaux que sont :
- La due diligence – l’Etat étant tenu de mettre en oeuvre “tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités déroulent sur son territoire […] ne causent un préjudice à l’environnement d’un autre Etat ;
- Le principe de responsabilité commune mais différenciée et d’équité intergénérationnelle qui inclut dans la répartition des responsabilités les contributions passées et présentes aux émissions de GES ;
- Le principe de coopération qui fait état un “devoir” en droit international coutumier astreignant les Nations à coopérer pour protéger l’environnement ;
- L’obligation de prévenir les dommages significatifs à l’environnement qui est également classé comme un principe de droit international coutumier ;
- Le principe de développement durable, qui a trait à la « nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement », guide l’interprétation de certains traités et la détermination de règles de droit international coutumier”
Il est cependant intéressant de relever que La Cour ne considère pas que le principe du « pollueur payeur », selon lequel « c’est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution », fasse partie du droit applicable aux fins de son avis. Elle n’exclut toutefois pas la possibilité que des formes de responsabilité objective à raison de faits dangereux ou d’autres faits non illicites au regard du droit international voient le jour.
La responsabilité des Etats face à leurs manquements
Le président de la CIJ, Yuhi Iwasawa, a affirmé que la violation par un Etat de ses obligations climatiques constitue « un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité ».
En se basant sur les travaux scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la Cour a retenu que les dommages résultant des effets du changement climatique étaient « plus élevés en cas de réchauffement planétaire de 1,5°C qu’actuellement, et plus encore à 2°C ».
Un Etat commet un fait illicite engageant sa responsabilité s’il ne respecte pas le plafond de 1,5°C. Néanmoins, pour demander réparation, un lien de causalité direct et certain doit être établi entre le fait illicite et le préjudice.
Yuji Iwasawa précise que « les conséquences juridiques résultant de la commission d’un fait internationalement historique peuvent inclure (…) la réparation intégrale du préjudice subi par les Etats lésés sous forme de restitution, de compensation et de satisfaction ».
L’application prochaine de l’avis
Selon Andres Del Castillo, avocat en droit de l’environnement au Center for International Environnemental Law (Ciel), le traité plastique pourrait faire l’objet de la première utilisation concrète de cet avis, en raison de la contribution de la pollution plastique aux émissions mondiales de GES.
L’avis devrait également influencer les échanges qui auront lieu lors de la COP climat en décembre prochain.
Liens vers la réglementation
- Résolution de l’AGNU, 77/276, 29 mars 2023 : https://press.un.org/fr/2023/ag12497.doc.htm
- Avis consultatif de la CIJ, 23 juillet 2025 : https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/187/187-20250723-adv-01-00-fr.pdf
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