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Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2025, n° 24-10.402

31 juillet 2025 2 min de lecture

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt en date du 10 juillet 2025 intéressant le droit de l’expropriation à deux égards :

  • D’une part, il consacre un nouveau principe en autorisant la notification électronique des conclusions par RPVA ;
  • D’autre part, il confirme les conditions d’expulsion en matière d’expropriation.

La notification électronique des conclusions par RPVA est désormais consacrée en matière d’expropriation.

Dans une décision attendue par les praticiens du droit de l’expropriation, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et énonce que désormais les conclusions de l’appelant ou de l’intimé peuvent être transmises, à l’instar de la déclaration d’appel ou de l’acte de constitution, via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA).

La Haute juridiction ôte toute contradiction entre les dispositions du code de l’expropriation et celles du code de procédure civile et ce, dans une volonté toujours plus accrue de rapprocher la procédure dérogatoire de l’expropriation vers la procédure judiciaire de droit commun.

Il convient en effet de rappeler que le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 impose désormais la constitution obligatoire d’avocat devant le Juge de l’Expropriation, en première instance et en appel, pour toutes les procédures introduites à compter du 1er janvier 2020.

Cependant, ce décret n’a pas modifié le régime procédural de notification des mémoires qui demeure régi par l’article R. 311-26 du code de l’expropriation excluant de facto la notification par voie électronique et donc l’utilisation du RPVA.

Pourtant, l’article 2 de l’arrêté du 20 mai 2020 « relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel », a autorisé, par renvoi à l’article 748-1 du code de procédure civile, les envois, remises et notifications par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, dans le cadre d’une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d’appel ou son premier président, des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles.

Or, cette contradiction textuelle, avait conduit plusieurs cours d’appel à prononcer l’irrecevabilité des conclusions déposées par la voie du RPVA pour ce motif (voir notamment CA Paris, 1er juin 2023, RG n° 22/10309 ; CA Poitiers, 15 mars 2022, RG nº 21/00004 ; CA Versailles, 29 novembre 2022, RG n° nº 22/05518 ; CA Aix-en-Provence, 3 juin 2021, RG n° 19/00064).

La Haute juridiction s’était également prononcée en ce sens, dans une affaire, il est vrai, dont la procédure avait été initiée antérieurement au décret du 11 décembre 2019 :

« 3. Si aucune disposition du code de l’expropriation n’exclut, devant la cour d’appel, la facultépour les parties d’effectuer par voie électronique l’envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l’article 748-1 du code de procédure civile, cette faculté est subordonnée, en application de l’article 748-6 du même code, à l’emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l’identification des parties, l’intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges, et permettant la date certaine des transmissions.

4. Les dispositions liminaires, claires et intelligibles, de l’article 1er de l’arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel, ne fixent une telle garantie que pour l’envoi par un auxiliaire de justice de la déclaration d’appel, de l’acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l’exclusion des écritures des parties.

5. Cette restriction est conforme aux exigences du procès équitable dès lors que, répondant à l’objectif de sécurisation de l’usage de la communication électronique, elle est dénuée d’ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu’il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d’adresser au greffe les mémoires prévus par l’article R. 311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans les conditions fixées par ce texte.

6. M. T… a interjeté appel le 24 juillet 2017. Il a notifié ses conclusions le 18 octobre 2017 par voie électronique. Il a adressé ses conclusions et ses pièces par courrier déposé au greffe le 7 février 2018.

7. La cour d’appel a exactement retenu qu’elle n’avait pas pu être saisie des conclusions adressées par voie électronique et que les conclusions et les pièces adressés par courrier déposé au greffe le 7 février 2018 étaient tardives.

8. Elle a prononcé, à bon droit, la caducité de la déclaration d’appel ». (Civ. 3ème, 23 septembre 2020, n°19-16.092, publié au Bulletin).

Désormais, la Cour de cassation estime à l’inverse :

« 6. Aucune disposition du code de l’expropriation n’exclut, devant la cour d’appel, la faculté pour les parties d’effectuer par voie électronique l’envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l’article 748-1 du code de procédure civile, cette faculté étant subordonnée, en application de l’article 748-6 du même code, à l’emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l’identification des parties, l’intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges, et permettant la date certaine des transmissions. »

[…]

11. Il en découle que les notifications et dépôts visés à l’article R. 311-26, qu’il s’agisse de la notification des conclusions ou documents des parties entre elles, au greffe ou par le greffe, peuvent désormais être faits par voie électronique, sans préjudice du maintien de l’usage du support papier par le greffe s’agissant des notifications faites au commissaire du gouvernement ou de celles auxquelles celui-ci procède.

12. Le délai de trois mois dans lequel l’intimé doit conclure ou former un appel incident court à compter de la première notification valable des conclusions de l’appelant faite par le greffe ou l’appelant lui-même, le cas échéant par voie électronique. »

Il n’en reste pas moins qu’il est toujours nécessaire de transmettre au Greffe un exemplaire pour le Commissaire du Gouvernement et, le cas échéant, pour les parties qui n’ont pas constitué avocat.

Il faut enfin préciser que la Cour n’applique pas, au cas présent, immédiatement cette règle de procédure en ce que l’expropriée, « qui n’a pu raisonnablement anticiper ce revirement de jurisprudence », aurait été privée d’un procès équitable, au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dès lors, à l’occasion du présent pourvoi, il ne peut être fait application de la nouvelle règle de procédure, de sorte que l’arrêt n’est pas cassé sur ce point.

Les conditions d’expulsion en matière d’expropriation

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 231-1 du code de l’expropriation, dans le délai d’un mois, soit du paiement de l’indemnité ou, en cas d’obstacle au paiement, de sa consignation, soit de l’acceptation ou de la validation de l’offre d’un local de remplacement, les détenteurs sont tenus de quitter les lieux.

Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l’expulsion des occupants.

La Cour précise que l’appel du jugement fixant les indemnités n’est pas suspensif, et que le délai d’un mois à partir duquel l’expropriant peut solliciter la libération du local exproprié court à compter du paiement de l’indemnité fixée par le juge de l’expropriation en première instance ou de la consignation autorisée.

Ainsi, dès lors que les conditions posées par l’article L. 231-1 du Code de l’expropriation sont réunies, le juge de l’expropriation doit ordonner l’expulsion de l’exproprié qui se maintient illégalement dans les lieux, tel que cela est jugé de manière constante (cf. notamment Civ. 3ème, 5 juillet 2006, n°04-70.196).

Dans l’affaire objet de l’arrêt commenté, la Cour d’appel avait rejeté la demande d’expulsion en considérant que l’indemnité de dépossession payée à l’expropriée, conformément au montant fixé par le premier juge, ne pouvait être « considérée comme payée en exécution d’une décision définitive ».

Or, le caractère définitif du montant de l’indemnité n’est pas évoqué parmi les conditions de l’article L. 231-1 précité.

C’est donc logiquement que la Cour de cassation casse l’arrêt, estimant que la cour d’appel a violé les textes applicables.

Notre équipe en droit foncier reste à votre disposition pour vous accompagner sur ces sujets

Michaël Moussault associé en droit urbain et foncier DS Avocats Paris

Michaël Moussault est un spécialiste du droit foncier. Il intervient notamment sur les questions relatives aux acquisitions foncières (forcées ou amiables), ainsi que sur des questions relatives à la gestion des biens (occupations du domaine public ou du domaine privé) et aux problèmes d’éviction des commerçants et de relogement des occupants des immeubles acquis dans le cadre d’opérations d’aménagement.

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