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Dégénérescence de marque : l’incidence de l’usage journalistique d’un signe déposé

17 mars 2017

Par un arrêt du 1er mars 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que l’usage, dans un article de presse, d’un signe enregistré en tant que marque n’est pas fautif s’il n’est pas susceptible d’être à l’origine d’une dégénérescence de marque.

Condition sine qua non à sa validité, le caractère distinctif d’une marque doit permettre aux consommateurs de distinguer les produits et services provenant d’une entreprise de ceux ayant une autre origine (art. L. 711-2 CPI). A défaut de distinctivité, un signe ne pourra pas être enregistré en tant que marque.

Il peut toutefois arriver qu’un signe valablement enregistré perdre son caractère distinctif en raison d’un usage trop répandu (art. L. 714-6 a) CPI). L’usage du signe peut, en effet, être tel que cette marque devient alors le nom commun du produit qu’elle désigne. Ainsi, l’usage des marques telles que BIC, FRIGIDAIRE ou encore CADDIE s’est tellement généralisé qu’elles sont devenues les appellations usuelles de ces produits. On parle alors de dégénérescence de marque.

Consciente de l’existence de ce risque, la société Meccano, titulaire de la marque verbale française « MECCANO » et de la marque communautaire éponyme, pour désigner notamment des jeux, jouets et modèle, s’est aperçu que l’hebdomadaire Le Point avait employé le mot « Meccano » dans plusieurs articles pour désigner des constructions scientifiques, politiques ou intellectuelles subtiles et compliquées. Après plusieurs mises en demeure infructueuses dans lesquelles il était souligné que la marque « MECCANO » n’était « pas un terme générique destiné à désigner un jeu de construction », la société Meccano a assigné en justice l’hebdomadaire Le Point sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil.

En seconde instance, la Cour d’appel de Paris avait alors observé que le terme était « employé comme un mot usuel du langage journalistique […] sans jamais indiquer, d’aucune manière qu’il s’agit d’un nom déposé » et qu’en conséquence « le public sera ainsi incité à croire, au vu des articles en cause, que le signe « Meccano » peut être employé de manière usuelle et généralisée, d’autant qu’il n’y est pas d’un emploi nécessaire dès lors qu’il pourrait facilement être remplacé ». La Cour d’appel avait donc condamné Le Point au motif que cet usage était « par nature préjudiciable au titulaire de la marque, le caractère distinctif de cette dernière résultant de la perception qu’en a le public ».

Une décision favorable aux titulaires des droits privatifs, mais inquiétante pour les journalistes. L’hebdomadaire Le Point s’est donc pourvu en cassation. Par un attendu lapidaire, la Cour de cassation a jugé, dans son arrêt du 1er mars 2017, « qu’en se déterminant ainsi, alors que l’usage d’un signe enregistré en tant que marque n’est pas fautif s’il n’est pas susceptible d’être à l’origine d’une dégénérescence de cette marque, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé en quoi cet usage à titre de métaphore, qui ne tendait pas en l’espèce à désigner des produits ou services, pouvait contribuer à une telle dégénérescence, n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Une métaphore peut être définie comme « l’emploi d’un terme concret pour désigner une notion abstraite » (Dictionnaire Larousse). La dégénérescence quant à elle prend forme lorsque le nom d’une marque devient l’appellation usuelle d’un produit ou d’un service concret. En substance, la Cour de cassation affirme donc, dans cet arrêt du 1er mars 2017, que l’emploi d’une marque à titre d’allégorie, expression abstraite d’une idée, ne peut avoir pour effet de causer une dégénérescence. A contrario, elle rappelle donc que seul l’emploi d’un signe déposé pour désigner un produit ou un service peut être fautif.

La société Meccano a cependant eu la bonne attitude et cet arrêt pourra sans doute lui être profitable à long terme. L’article L. 714-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet qu’« encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle du produit ou du service ». Outre la banalisation du signe, le titulaire d’une marque ne perdra ses droits dessus que s’il a fait preuve de passivité et de négligence dans la défense de son signe. Dans un arrêt de 2010, la Cour de cassation rappelé ainsi qu’il incombait au titulaire d’une telle marque qu’il fasse preuve « d’une vigilance réelle et suffisante pour éviter que sa marque ne devienne un terme usuel » (Cass. com 18 mai 2010, n°09-14-615). A ce titre, le pourvoi en cassation de Meccano atteste de sa combativité et lui évitera sans doute, in fine, d’être déchu de ses droits sur sa marque « MECCANO ».

Les titulaires de signes, susceptibles de devenir la désignation usuelle d’un produit ou d’un service, doivent donc faire preuve d’une vigilance de tous les instants et ne pas hésiter à agir, soit au moyen d’actions extra-judiciaires (mise en garde), soit si nécessaire au moyen d’actions judiciaires comme ce fut le cas en l’espèce.

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