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Le Radar DS

[Garantie des vices cachés] – Selon la 3e Chambre civile de la Cour de cassation, l’action est encadrée dans un délai butoir de 20 ans

02 février 2023

Le Radar DS

Focus sur un important conflit au sein même de la Cour de cassation en matière de garantie des vices cachés, plus précisément concernant les règles afférentes à l’encadrement du délai biennal de l’article 1648 du Code civil.

Dans un arrêt du 25 mai 2022, la 3e chambre civile de la Cour de cassation confirme sa rébellion jurisprudentielle en ce qui concerne l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés.

Dans les faits, une société de construction (maître d’ouvrage) avait acquis en 2008 des plaques qu’elle avait par la suite installées chez un client, et qui se révélèrent défectueuses.

Assigné en référé expertise en octobre 2018, le maitre d’ouvrage assigne à son tour, en février 2020, son fournisseur et le constructeur des matériaux défectueux en ordonnance commune, 12 ans après l’acquisition des matériaux.

Le juge des référés, puis la Cour d’appel rejettent la demande de mise hors de cause du fournisseur et du constructeur au motif que la prescription n’est pas manifestement acquise puisque le constructeur a bien été assigné dans les 2 ans de la découverte du vice par le maître d’ouvrage.

Un pourvoi en cassation est alors interjeté.

Afin de répondre à la question qui lui était posée, la 3e chambre civile de la Cour de cassation opère une distinction selon que la conclusion de la vente est antérieure ou postérieure à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 (il y avait plusieurs ventes successives dans cette affaire, certaines antérieures à juin 2008, d’autres postérieures).
Nous limiterons ici nos observations aux ventes conclues après cette date.

Pour mémoire, la loi du 17 juin 2008, codifiée sous l’article L 110-4 du Code de commerce, ramène la prescription de droit commun de 10 à 5 ans.
Toutefois, ce texte ne précise pas le point de départ de ce délai ; il revient donc au juge de le fixer.

Selon la jurisprudence de la 1ère chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de cassation, le point de départ du délai quinquennal de l’article L 110-4 du Code de commerce doit être fixé au jour de la conclusion du contrat de vente.

Selon cette solution, le délai pour engager la responsabilité du vendeur initial au titre de la garantie des vices cachés court donc, pour le fabricant, à compter de la vente initiale.
A l’intérieur de ce délai de 5 ans est enfermé le délai de 2 ans de l’article 1648 du Code civil.

Prolongeant une solution déjà esquissée par un arrêt par elle rendu le 16 février 2022, la 3e chambre civile de la Cour de cassation prend le contre-pied de ce raisonnement pour adopter une position beaucoup plus protectrice du vendeur intermédiaire : le délai biennal de l’action en garantie des vices cachés n’est pas encadré par le délai de 5 ans de l’article L 110-4 du Code de commerce, mais par le délai « butoir » de l’article 2232 du Code civil, qui est de 20 ans à compter de la vente initiale.

Cette solution est critiquée en doctrine, notamment parce que l’article 2232 du Code civil ne vise qu’un délai de prescription, alors que le délai biennal de l’article 1648 du Code civil, selon cette même 3e chambre civile, est un délai de forclusion [1].

Mais quelle qu’en soit l’appréciation au plan juridique, cette position est évidemment très problématique pour les constructeurs et fabricants, sur qui pèse ainsi pendant 20 ans après la vente un aléa d’action en vice caché.

Mesurons toutefois l’apport de cet arrêt en ce qui concerne l’action récursoire, dont le délai de prescription ne pouvait auparavant commencer à courir qu’à compter de l’assignation sans autre encadrement temporel. L’action récursoire est désormais « limitée » à 20 ans à compter de la vente initiale.

Il faut noter que par un arrêt du 27 juin 2022, la Cour d’appel de Versailles a confirmé cette solution.
Il n’en demeure pas moins qu’un point majeur de désaccord demeure au sein même de la Cour de cassation.

Il est souhaitable que la Chambre mixte se saisisse de ce sujet pour mettre un terme à une situation qui plonge les praticiens, les avocats, et surtout les justiciables, dans une insécurité juridique très importante.

Note

[1] Pour : M. Bouland (Lexbase) ou le Professeur Leveneur (Contrats, Concurrence, Consommation) ; contre : le Professeur Thibierge (Revue des contrats)

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