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Action en cessation pour contrefaçon d’un brevet essentiel

01 octobre 2015

Par un arrêt du 16 juillet 2015, Huawei Technologies Co. Ltd c/ ZTE Corp., la CJUE a estimé qu’une action en cessation intentée par le titulaire d’un brevet essentiel à une norme pouvait caractériser un abus de position dominante.

Pour rappel, un brevet est « essentiel à une norme » lorsqu’il est techniquement impossible de fabriquer des produits respectant la norme en question sans enfreindre ledit brevet, ce qui supposerait donc d’obtenir l’accord préalable du titulaire du brevet.

Cependant, il est généralement d’usage que les titulaires de brevets essentiels à une norme consentent des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, dites FRAND (fair, reasonable and non-discriminatory).

S’opère ainsi un équilibre entre le monopole conféré par le droit de la propriété intellectuelle au titulaire d’un brevet d’une part, et entre le principe de libre concurrence dans le marché commun.

Toutefois en l’espèce, la société Huawei Technologies, titulaire d’un brevet européen notifié à l’European Telecommunication Standards Institute comme brevet essentiel à la norme « Long Term Evolution », n’était pas parvenue à un accord avec son concurrent la société ZTE.

Le 28 avril 2011, la société Huawei Technologies a introduit devant la juridiction allemande (le Landgericht Düsseldorf) une action en contrefaçon contre la société ZTE. La juridiction allemande a préféré surseoir à statuer pour demander à la Cour de Justice de l’Union européenne si l’action en cessation de contrefaçon introduite par le titulaire d’un brevet essentiel à une norme était ou non constitutive d’un abus de position dominante.

En effet, la notion d’abus de position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, décrit le comportement d’une entreprise en position dominante qui sur un marché a pour effet de faire obstacle au maintien du degré de concurrence existant sur ce marché ou au développement de cette concurrence (CJCE, 13 février 1979, Hofmann – La Roche / Commission, 85/76).

Or, le droit de la propriété intellectuelle est par nature un droit exclusif conférant un monopole à son titulaire, auquel se rattache le droit d’intenter une action en contrefaçon. Le simple usage de ce droit ne peut donc, en principe, pas constituer un abus de droit, même de la part d’une entreprise en position dominante (CJCE, 5 octobre 1988, Volvo c. Erik Veng Ltd, 238/87).

Néanmoins, la Cour de justice de l’Union Européenne relève qu’en l’espèce, le titulaire du brevet essentiel à une norme avait pris l’engagement « irrévocable » d’accorder des licences FRAND qui favorisent l’apparition ou le maintien sur le marché de produits concurrents.

Selon la Cour de justice de l’Union Européenne, un tel refus peut donc constituer un abus de position dominante, sauf si les conditions suivantes sont respectées préalablement à l’action en cessation:

  • avertir le contrefacteur allégué en désignant ledit brevet et en précisant la façon dont celui-ci a été contrefait, et lui transmettre une offre concrète et écrite de licence aux conditions FRAND précisant la redevance et ses modalités de calcul, et
  • ledit contrefacteur continuant à exploiter le brevet ne donne pas suite à cette offre avec diligence, conformément aux usages commerciaux reconnus en la matière et de bonne foi, ce qui doit être déterminé sur la base d’éléments objectifs et implique notamment l’absence de toute tactique dilatoire.

Les juges considèrent donc que « l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il n’interdit pas, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à une entreprise se trouvant en position dominante et détenant un brevet essentiel à une norme établie par un organisme de normalisation qu’elle s’est engagée, auprès de cet organisme, à donner en licence à des conditions FRAND, d’introduire une action en contrefaçon dirigée contre le contrefacteur allégué de son brevet et tendant à la fourniture de données comptables relatives aux actes d’utilisation passés de ce brevet ou à l’allocation de dommages-intérêts au titre de ces actes. »

Ainsi, la Cour conditionne la validité d’une action en cessation de contrefaçon à la bonne foi des parties dans la recherche d’une solution alternative, à l’amiable, leur permettant de faire chacun valoir leurs droits respectifs, à savoir la protection de la propriété intellectuelle et les impératifs de libre jeu de la concurrence.

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