Défilez vers le bas

Contrat : un e-mail constitue une commande ferme

03 septembre 2015

Droit des contrats et emailing

Par un arrêt du 1er juillet 2015, la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré qu’un email envoyé à un expert-comptable lui demandant de répondre à certaines questions constitue une commande ferme.

En l’espèce, la société PPMS avait adressé le 14 septembre 2011 un email à un expert-comptable pour demander certaines informations sur le régime fiscal des salariés français expatriés. La demande était formulée ainsi : « Auriez-vous l’amabilité de me faire parvenir les informations suivantes : Impôt sur le revenu pour un étranger ? Ce pourcentage à appliquer à tous les revenus ou seulement sur le salaire, excluant les indemnités de séjour ? Quelle est la taxe locale ? ». À la suite de cet email, le cabinet CSA a expédié à PPMS, le 23 septembre 2011, une consultation répondant aux questions posées accompagnée de la facture correspondante, qui a été contestée par PPMS. Le cabinet CSA a engagé une action en paiement de sa facture et en dommages-intérêts.

Le tribunal de commerce de Nanterre, le 31 janvier 2014, rejeta ces demandes aux motifs que l’email adressé le 14 septembre 2014 ne constituait qu’une prise de contact et une demande d’informations générales en vue d’une éventuelle intervention de l’expert-comptable. Dès lors, l’email litigieux ne pouvait être considéré comme une commande formelle, et aucun contrat ne liait le cabinet CSA et PPMS qui n’avait aucune obligation de payer le cabinet.

La question qui était soumise à la Cour de cassation portait donc sur la fermeté de l’offre exprimée par courrier électronique.

En droit français, en matière de contrat, l’offre est définie comme la proposition qui comporte tous les éléments du contrat projeté. Plus important, elle doit exprimer la volonté de son auteur de contracter, son consentement. Afin de traduire le consentement sans équivoque, l’offre doit alors être ferme et précise.

  • La précision de l’offre est caractérisée lorsqu’elle comporte tous les éléments essentiels du contrat. Le plus souvent, il s’agira avant tout du prix. Cependant dans cette affaire, le destinataire de l’offre est un expert-comptable, aux honoraires souvent variables en fonction du temps passé sur la demande. Ici, la précision se retrouvera essentiellement dans les informations demandées par le client : sont-elles générales ou précises ?
  • La fermeté de l’offre est visible lorsqu’elle ne comporte aucune réserve, qu’elles soient exprimées par son auteur ou la suite logique de la nature du contrat envisagé. Par exemple, les offres faites au public, les petites annonces, comportent intrinsèquement des réserves tenant aux qualités des parties.

Si la proposition ne présente pas ces deux caractères, il ne s’agira pas d’une offre stricto sensu, mais d’une invitation à entrer en pourparlers précontractuels. En l’espèce, la formulation de l’email a été interprétée par la Cour de cassation comme « appelant une réponse étudiée du professionnel consulté, de sorte qu’il constituait, en termes clairs et précis, une commande de consultation », si bien que les juges ont cassé le jugement du tribunal de commerce. L’affaire sera donc renvoyée devant le tribunal de commerce de Versailles.

En somme, cette affaire sonne comme un appel à la prudence fait aux sociétés souhaitant avoir recours aux services d’autres professionnels par l’envoi d’un courrier électronique, ou bien d’un courrier simple. Dans le cas où ses sociétés souhaiteraient d’abord établir une simple prise de contact ou obtenir un devis, il serait plus prudent d’introduire dans l’email une mention exprimant une réserve, comme « après acceptation du dossier » ou « après entretien », afin d’éviter toute déconvenue.

ds
Publications

Parcourez la très grande variété de publications rédigées par les avocats DS.

ds
ds
À la Une

Suivez la vie du cabinet, ses actions et ses initiatives sur les 4 continents.

ds
ds
Événements

Participez aux évènements organisés par DS Avocats à travers le monde.

ds