Défilez vers le bas
Pleins Phares

L’ordonnance du 24 avril 2019 : refonte ou réforme du Titre IV du Livre IV du Code de commerce ?

20 juin 2019

Le 25 avril dernier a été publiée au Journal officiel l’ordonnance n°2018-359 du 24 avril 2019 qui modifie les dispositions du Titre IV du Livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées.

Ce texte a pour objectifs la recherche de l’efficacité économique, l’effectivité de la loi et la prise en compte de la réalité de la vie des affaires. Le Titre IV du Code de commerce se compose ainsi désormais d’un chapitre préliminaire relatif à la Commission d’examen des pratiques commerciales, qui n’a pas été modifié par l’ordonnance, et des trois chapitres suivants :

  • Chapitre Ier : « De la transparence dans la relation commerciale »

  • Chapitre II : « Des pratiques commerciales déloyales entre entreprises »

  • Chapitre III : « Dispositions spécifiques aux produits agricoles et aux denrées alimentaires »

Les modifications apportées, qui entraînent une renumérotation de l’ensemble des textes, sont d’ampleur variable selon les chapitres.

I. Une réforme du droit des pratiques commerciales déloyales

De l’énumération de l’ancien article L 442-6, qui ne listait pas moins de 13 pratiques restrictives de concurrence de nature à engager la responsabilité de leur auteur, n’est conservée que la prohibition des 6 pratiques suivantes :

  1. Obtenir ou tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie (L 442-1) ;

  2. Soumettre ou tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (L 442-1) ;

  3. La rupture brutale de relations commerciales établies (L 442-1) ;

  4. La revente hors réseau par un distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive (L442-2) ;

  5. L’octroi de remises rétroactives (L 442-3) ;

  6. Le bénéfice automatique de conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes (L442-3).


1/ S’agissant de la rupture brutale, il est désormais instauré un délai légal plafond de 18 mois pour la durée de préavis interdisant de considérer la rupture comme brutale (voir Radar #1).

L’adverbe « notamment » est en outre inséré dans le texte, confirmant qu’en sus du critère légal de la durée de la relation, doivent être pris en compte d’autres paramètres, conformément à la jurisprudence développée en la matière.

Enfin, il est à relever la suppression des dispositions relatives au doublement du préavis pour les produits fournis sous marque distributeur et de certaines prérogatives confiées au Ministre de l’Economie, jamais utilisées en l’occurrence.


2/ S’agissant du contrôle des déséquilibres contractuels : il est désormais recentré autour de deux règles : l’avantage manifestement disproportionné et le déséquilibre significatif, avec une rédaction modifiée afin d’étendre leur champ d’application.

Ainsi la qualité de commerçant ou d’artisan n’est plus requise par le texte s’agissant de l’auteur de la pratique, et toute « partie » peut en être victime et non plus seulement un « partenaire commercial », notion qui a pu être interprétée restrictivement par la jurisprudence. En outre, le texte précise que sont prohibées ces pratiques dans le cadre plus large « de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat », ce qui devrait permettre à ces deux règles de jouer de façon plus large.

Enfin, la règle relative à l’avantage sans contrepartie n’est plus cantonnée aux contrats de services. Les modifications portant sur la transparence dans la relation commerciale sont en revanche moins substantielles si bien qu’elles s’apparentent davantage à une refonte.


II. Une refonte de la transparence dans la relation commerciale

Le Chapitre Ier du Titre IV du Livre IV du Code de commerce est désormais organisé selon les phases successives de la relation commerciale, à savoir :

  • Section 1 : « Les conditions générales de vente »

  • Section 2 : « La négociation et la formalisation de la relation commerciale »

  • Section 3 : « La facturation et les délais de paiement ».

1/ Le droit des conditions générales de vente est globalement maintenu.

2/ S’agissant des « conventions écrites » imposées par la loi pour formaliser les relations entre les fournisseurs et les distributeurs ou prestataires de service, et généralement désignées par « conventions uniques », il est instauré un régime général, calqué pour l’essentiel sur celui antérieurement prévu pour les grossistes (article L 441-3) et un régime plus contraignant spécifique aux produits de grande consommation définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation (article L 441-4) (voir Radar #1).

Le régime général se veut plus léger et plus facile à mettre en œuvre, prévoyant notamment que tout avenant « fait l’objet d’un écrit qui mentionne l’élément nouveau le justifiant » et non plus nécessairement d’un « contrat écrit ». Les services de coopération commerciale sont en outre désormais pris en compte dans la détermination du « prix convenu », à la différence du régime antérieur.

Le nouvel article L 441-3 précise par ailleurs qu’il appartient au fournisseur de communiquer ses CGV distributeur « dans un délai raisonnable avant le 1er mars » et non plus obligatoirement « au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars ».

3/ S’agissant des délais de paiement, la refonte consiste pour l’essentiel à avoir regroupé, à droit constant, les dispositions jusqu’alors éparpillées dans le code sous les articles L 441-10 à L 441-16.

Quant à la facturation, les règles du Code de commerce sont harmonisées avec les règles fiscales en ce qui concerne la date d’émission de la facture, déterminée par référence à la « réalisation de la livraison ». Deux mentions obligatoires sont en outre ajoutées : l’adresse de facturation lorsqu’elle diffère de l’adresse des parties et le numéro de bon de commande lorsqu’il a été préalablement établi.

Conclusion : Quid de l’entrée en vigueur des nouveaux textes ?
L’article 5 de l’ordonnance prévoit des dispositions transitoires uniquement pour les conventions écrites et pour les règles de facturation.

Il en ressort que :

  • les modalités simplifiées pour les avenants aux conventions uniques s’appliquent « immédiatement à toute convention en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance, à compter de cette date » (donc à compter du 25 avril 2019) ;

  • le nouveau régime des conventions écrites (articles L 441-3 à L 441-7) est applicable à compter du 1er mars 2020 aux conventions d’une durée supérieure à un an en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance ;

  • les règles de facturation de l’ancien article L 441-3 restent applicables aux factures émises avant le 1er octobre 2019.

L’ordonnance ne prévoit en revanche pas de dispositions transitoires s’agissant des pratiques restrictives de concurrences, ce qui soulève certaines interrogations.

Si une application des nouvelles dispositions aux contrats conclus après l’entrée en vigueur de l’ordonnance peut paraître logique, il ne peut cependant en être de même pour les nouvelles dispositions relatives à la rupture brutale et notamment l’instauration d’un délai plafond de 18 mois, sauf à reporter l’efficience de cette règle à dans 20 ans …

Il s’en déduit logiquement une application des nouvelles dispositions de l’article L 442-1, II, et donc le plafond de préavis à 18 mois, à toute rupture de relations commerciales notifiée depuis le 25 avril 2019.

ds
Publications

Parcourez la très grande variété de publications rédigées par les avocats DS.

ds
ds
À la Une

Suivez la vie du cabinet, ses actions et ses initiatives sur les 4 continents.

ds
ds
Événements

Participez aux évènements organisés par DS Avocats à travers le monde.

ds