Une guerre juridique fait des ravages entre d’un côté la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation, et de l’autre, la troisième chambre de la Cour de cassation sur un sujet bien précis : la garantie des vices cachés.
Par un arrêt du 8 février 2023 [1], publié au Bulletin, la 3e chambre de la Cour de cassation a une fois de plus réitéré sa position.
Selon les faits, une entreprise de travaux s’était chargée du lot « électricité-ventilation » lors de la construction d’une maison d’habitation.
Cette entreprise avait installé un système de ventilation qu’elle avait préalablement acquis auprès d’une société spécialisée, elle-même s’étant procuré le matériel auprès d’une société fabricante.
Après la réception de la maison, un incendie survient dans les combles.
Les propriétaires assignent alors les assureurs et les sociétés venderesses en responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Dans un attendu désormais classique, la 3e chambre de la Cour de cassation considère que « le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en œuvre pour la réalisation de l’ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale ».
Elle juge ainsi que « le point de départ qui lui (le constructeur) est imparti par l’article 1648, alinéa 1er, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L. 110-4, I, du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage ».
En d’autres termes, la 3e chambre de la Cour de cassation confirme que, pour elle, le vendeur intermédiaire est en mesure de rechercher la responsabilité de son propre vendeur pendant un délai de deux ans à compter de son assignation, indépendamment de la date de la vente initiale. A noter que la 3e chambre civile avait réaffirmé sa position par un arrêt du 16 février 2022 [2].
Cette position est directement opposée à celle de la 1ère chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En effet, celles-ci considèrent que ces délais (2 ans de l’article 1648 du code civil et 5 ans de l’article L 110-4, I du Code de commerce) sont enfermés, à l’égard du vendeur initial, dans le cadre de la vente initiale.
Il nous a été indiqué que la Chambre mixte de la Cour de cassation doit se réunir le 16 juin 2023 à ce sujet.
Il faut espérer qu’à cette occasion il soit mis un terme à cette situation juridique extrêmement préjudiciable.
Notes
[1] Cass. 3e Civ., 8 février 2023, n° 21-20.271, Publié au Bulletin
[2] Cass. 3e Civ., 16 février 2023, n° 20-19.047, Publié au Bulletin