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Prescription et garantie des vices cachés : Résistance de la Cour d’appel de Riom à la jurisprudence de la Chambre Mixte de la Cour de cassation

23 février 2024

Le Radar DS

Par plusieurs arrêts du 21 juillet 2023[1], la Chambre mixte de la Cour de cassation avait marqué un tournant jurisprudentiel important en ce qui concerne la garantie des vices cachés.

Pour rappel, la Cour de cassation s’était notamment prononcée sur l’encadrement du délai d’action de cette garantie, et avait jugé que le délai de deux ans de l’article 1648 du Code civil est lui-même encadré par le délai butoir de 20 ans prévu à l’article 2232 du même Code. Par ailleurs, la Cour de cassation avait considéré que le délai butoir de 20 ans court à compter du jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

Une telle décision, particulièrement polémique, n’a pas manqué de trouver son premier détracteur.

En effet, par un arrêt du 12 décembre 2023[2], la Cour d’appel de Riom a jugé que le délai de deux ans de l’article 1648, courant à partir de la découverte du vice, était enfermé dans un délai de cinq ans, lequel commence à courir à compter de la vente.

Pour justifier cette position, la Cour d’appel a précisé que la jurisprudence de la Chambre Mixte de la Cour de cassation n’est en réalité applicable qu’en matière immobilière.

Il est vrai que si certains des arrêts de la Chambre Mixte avaient été rendus en matière mobilière, la Cour de cassation ne s’était pas prononcée sur la distinction entre l’action mobilière et l’action immobilière. Pourtant, une telle distinction parait, en pratique, extrêmement pertinente. 

La Cour d’appel de Riom affirme ainsi que les arrêts de la Chambre Mixte sont « sans transposition à la jurisprudence constante de la 1ère Chambre civile ainsi que de la Chambre commerciale de la Cour de cassation sur ce « délai glissant » n’excédant pas cinq ans à partir de la vente initiale en cas d’application des dispositions combinées de l’article L.110-4 du code de commerce et de l’article 1648 du Code civil en matière de vente mobilière, et plus spécialement en matière de vices cachés pouvant être révélés sur un véhicule automobile après sa mise en vente. »

Une telle distinction est particulièrement la bienvenue, notamment pour les constructeurs et importateurs automobiles.

Mais, de façon encore plus importante, elle permet de combler une lacune juridique du raisonnement adopté par la Chambre Mixte dans ses arrêts.

En effet, la Cour de cassation avait rappelé, à juste titre, que le point de départ des délais de prescription des articles 2224 du Code civil et L 110-4 du Code de commerce d’une part, et celui de l’article 1648 du Code civil d’autre part, étaient finalement identiques, à savoir le moment à partir duquel le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La Chambre Mixte se tournait alors vers une autre disposition du Code civil, afin de donner une base législative à son raisonnement, et trouvait l’article 2232 du Code, lequel prévoit un délai de 20 ans, le fameux délai dit « butoir ». La Chambre Mixte expliquait que ce texte était le seul permettant d’encadrer dans le temps l’action en garantie des vices cachés.

Pourtant, lorsque l’on reprend les termes de l’article 2232, on peut lire la phrase suivante : « Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »

Autrement dit, la Chambre Mixte a repris pour base un délai dont le point de départ est exactement le même que celui des autres articles dont elle cherchait à se démarquer (article L110-4 du Code de commerce, articles 1648 et 2224 du Code civil). La tentative d’encadrer l’action en garantie des vices cachés est ainsi un échec.

De fait, la Cour d’appel de Riom, en reprenant la jurisprudence de la 1ère Chambre civile et de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, a choisi la date de la vente comme point de départ du délai de prescription. Il s’agit là de la seule option permettant de conserver une certaine sécurité juridique. En effet, seul un point temporel fixe – en l’occurrence, la date de la vente – en guise de point de départ du délai de prescription permet de figer dans le temps l’action en garantie des vices cachés.

Toutefois, cette décision a d’ores et déjà fait l’objet d’un pourvoi en cassation. Il conviendra d’être particulièrement attentif à la réponse de la Haute juridiction.


[1] Ccass. Ch. Mixte, 21 juillet 2023, n° 21-15.809 ; Ccass. Ch. Mixte, 21 juillet 2023, n° 21-17.789 ; Ccass. Ch. Mixte, 21 juillet 2023, n° 21-19.936 ; Ccass. Ch. Mixte, 21 juillet 2023, n° 20-10.763 

[2] CA Riom, 12 décembre 2023, n° 23/00571 

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